Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam
P.O.L. 2018, 448 pages
« Les romans, la poésie, le théâtre, c’est quand même un bon moyen de connaître des tas de gens, les auteurs, de façon très intime, et sans tout le tralala social qui brouille un peu les cartes. »
Quel drôle de phénomène, cette Emmanuelle Bayamack-Tam (ou Rebecca Lighieri). Je n’ai lu que « Si tout n’a pas péri avec mon innocence », et c’était il y a déjà cinq ans, mais je me souviens très bien du ton tout à fait personnel de son histoire. Dans « Arcadie », on retrouve beaucoup de choses, le côté Freaks (le bon côté, celui qui est de la famille de la quatrième saison d’American Horror Story, « Freak Show », celui auquel on s’attache tendrement), la narratrice qui bouscule, à la fois d’une naïveté charmante (elle ne comprend pas les surnoms qu’on lui donne, par exemple, Farrah-Facette ou Farah-Diba) et d’une très vive intelligence, et la famille dysfonctionnelle.
« Nous… Je prétends pouvoir le dire sans ridicule, sans que ce pronom renvoie à une structure exsangue et atrophiée comme le couple ou la famille. Je prétends même que mes débuts dans la vie font de moi une spécialiste du nous, contrairement à la plupart des gens qui n’y entravent que dalle et passent toute leur vie sans imaginer qu’on puisse être autre chose que soi. J’ai été nous dès l’enfance, ça aide. »
Parce que sa mère est intolérante à tout (en gros), Farah intègre avec sa famille à un très jeune âge une communauté, une sorte de phalanstère ou familistère qui prêche l’amour pour supporter l’angoisse de tout ce qui nous tue. Une zone blanche (sans ondes ni téléphones portables ni quoi que ce soit de potentiellement polluant) vers la frontière italienne. Elle y vit une enfance qui la ravit, maîtresse d’un domaine végétal paradisiaque. Elle est une bonne nature, de base, dévouée, exaltée et toute désireuse d’harmonie. Mais en grandissant son corps la trahit, et de disgracieuse elle va devenir autre. Mais quoi ? Elle ne sait pas…
Oui, quel drôle de phénomène que cette autrice. Elle ne cesse de surprendre son lecteur, adoptant plusieurs points de vue, lui montrant qu’on peut regarder les choses depuis tellement d’angles. Dans le style, même, on passe de : « la rémanence de son acrimonie » ou encore « l’exhalaison de toutes les fièvres mauvaises dont elle avait brûlé en ces lieux mêmes » (et un grand usage du mot aboulie) à « c’est quoi les bails » ou autres expressions horribles en usage chez les ados (pas vu de « malaisant », ouf), et tout passe, bien sûr, on reprend la lecture avec entrain en se demandant sans cesse ce qui va arriver.
C’est très entraînant, aussi drôle que tragique, profond et intéressant, déstabilisant et impertinent et surtout, très réussi.
A propos de ses citations mêlées, il faut écouter Emmanuelle Bayamack-Tam :
5 septembre 2018 at 06:06
Depuis longtemps dans ma liste de souhaits…La seule question est : quand serai-je déraisonnable ? 🙂
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5 septembre 2018 at 06:55
Craque, craque ! 🙂
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5 septembre 2018 at 09:25
Repéré depuis sa sortie et voilà que tu m’apprends que l’auteur est celle des « Garçons de l’été », que j’avais beaucoup aimé !
J’ai regardé la vidéo et c’est hallucinant la manière dont l’auteur est une espèce d’éponge de tout ce qu’elle a lu (sur le coup, je me suis dit que c’est fou tout ce qu’elle retenait, mais elle dit qu’elle enseigne, donc ça aide, au moins pour la partie classique) mais aussi vu/enregistré autour d’elle !
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5 septembre 2018 at 09:30
Moi aussi je viens d’apprendre son alias ! Et pourtant ce n’était pas du tout caché, juste une manière pour elle d’investir différents genres. La vidéo est géniale, on sent à la lecture la richesse des citations réinterprétées, mais on est loin de se douter de leur nombre et/ou richesse.
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5 septembre 2018 at 14:23
Noté sur la liste des nouveautés bibli, puis le billet de Sans connivence http://sansconnivence.blogspot.com/2018/09/arcadie-de-emmanuelle-bayamack-tam.html puis le tien, ça commence à bien faire, ouiiiiii j’ai compris! ^_^
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5 septembre 2018 at 17:03
Y a plus qu’à, alors 🙂
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30 octobre 2018 at 11:15
Super intéressante cette vidéo ! Je viens de finir ce roman qui m’a fascinée mais aussi laissée perplexe…
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30 octobre 2018 at 11:22
C’est sûr qu’il y a pas mal de choses déroutantes 🙂
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22 novembre 2018 at 17:28
Je n’ai pas aimé ce roman, premier que je lis de cette autrice. Je l’ai trouvé très décousu tant du point de vue du style que de l’intrigue. Dommage !
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22 novembre 2018 at 17:38
Oui dommage !
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6 août 2019 at 14:42
Je l’ai lu aussi à la faveur de l’été et je suis déçue : je trouve qu’il y a quelque chose de trop construit, trop artificiel, enfin je ne l’exprime sans doute pas clairement mais je suis restée sur le seuil.
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7 août 2019 at 11:26
Dommage ! (Je me répète :)) Ça reste pour moi un excellent souvenir de lecture, surprenante, vive, comme je les aime !
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