La daronne d’Hannelore Cayre
Métailié 2017, 172 pages
« Ils sont en matière d’introspection comme tous les commerçants du monde… d’une pauvreté crasse. »
Elle est interprète judiciaire depuis de longues années, on fait maintenant systématiquement appel à elle pour le même genre d’affaires et assez vite elle travaille à domicile, traduisant des heures d’écoutes téléphoniques. A ce moment de sa vie, la cinquantaine entamée, veuve depuis longtemps (un mec mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas très accrochée, on le verra), ses filles loin, sa vie se résume à bosser pour payer l’EPHAD de sa mère (Alzheimer). Bosser, pleurer, et dormir. Du coup ses transcriptions sont pour elle une vie par procuration, elle suit les mêmes personnes longtemps, elle voyage sur Google Earth le long des lieux dont elle entend parler.
« Je ne traduisais jamais leurs appels privés. Je marquais toujours sans intérêt pour l’enquête en cours, ce qui ne m’empêchait pas de suivre leurs pérégrinations pour le plaisir, comme si je prenais quotidiennement des nouvelles d’une branche éloignée de ma famille. »
Un jour, elle se réveille et s’implique, et ça déménage…
La Daronne (son pseudo dans ses nouvelles activités) ne ressent aucune culpabilité – elle s’en explique dans un réquisitoire implacable (pages 64 et 65); c’est une extra-terrestre ! Son enfance très particulière (ou ses gènes) en ont fait une personnalité détonnante. Littéralement captivante, elle a un sens de l’humour absolument génial :
« Dans mes traductions, je m’applique toujours à faire du mot à mot. C’est ma marque de fabrique. Je ne perds pas une miette de ce que j’entends, et lors de ma retranscription je m’attache à restituer le ton et le style des conversations afin de ne pas gâcher le plaisir de la lecture. Je confie sur ce point une fascination honteusement patricienne et perverse pour la connerie. »
et nous emmène dans une réalité d’une tristesse infinie, sans rien occulter, mais sans jamais nous plomber. Ca tient du miracle, et une fois terminé ce cinquième roman d’Hannelore Cayre je suis allée commander les quatre précédents, parce qu’un coup de foudre littéraire comme ça, c’est rare.
Un polar contemporain bien noir découvert (encore) chez Jean-Marc.
« Comme dans notre famille nous n’avons ni terre ni tombe, elle voulait être incinérée et que ses cendres soient jetées aux Grands Magasins.
Les filles et moi avons donc exécuté ses dernières volontés en choisissant les Galeries Lafayette. Après la cérémonie au crématorium, nous avons divisé entre nous le contenu de l’urne. Je me suis chargée de répandre ma partie dans les boutiques de ses créateurs préférés. Si dans la collection printemps-été 2017, vous avez trouvé un peu de poussière grise ou de curieux petits morceaux au fond de vos poches de tailleur de la marque Dior, Nina Ricci ou Balenciaga, il s’agit de ma mère. »
30 mars 2017 at 18:39
C’est la première fois que j’entends parler de cette auteure je crois, sa fiction m’a l’air… puissante ! En tout cas, ton enthousiasme soulève le mien. 🙂
J'aimeJ'aime
30 mars 2017 at 18:44
Je ne la connaissais pas non plus, c’est un sacré personnage (il y a un très bon article de Télérama à son sujet). Et je n’ai volontairement rien dit des thèmes abordés.
J'aimeJ'aime
30 mars 2017 at 18:39
trop triste , non?
J'aimeJ'aime
30 mars 2017 at 18:43
Non, c’est vraiment contrebalancé par le style – et le caractère de l’héroïne.Ca pétarade !
J'aimeJ'aime
30 mars 2017 at 22:30
Merci M’dam.
Les trois premiers sont aussi drôles, à découvrir vraiment.
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 05:05
Il y en a un sur les quatre que tu n’as pas aimé ou tu en as seulement lu trois ? 🙂
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 09:16
Je n’en ai lu que trois, j’ai complètement laissé passer « Comme au cinéma » que je n’ai pas vu sortir.
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 09:19
Je suis rassurée de voir que ce genre de chose arrive même aux meilleurs 😉
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 06:59
J’ai beaucoup aimé l’entretien que j’ai entendu d’elle, un matin sur France-Culture. Je vais le lire, c’est sûr : https://www.franceculture.fr/emissions/paso-doble-le-grand-entretien-de-lactualite-culturelle/hannelore-cayre-les-vieux
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 07:07
Oh merci pour le lien Aifelle, je vais écouter avec intérêt !
J'aimeJ'aime
31 mars 2017 at 11:02
Super entretien !
J'aimeAimé par 1 personne
31 mars 2017 at 07:08
Rrrrhhhhooooo un coup de foudre, rien que ça 🙂
J'aimeAimé par 1 personne
31 mars 2017 at 09:18
J’ai lu et aimé un de ses polars, dans un genre plus « rural » : Comme au cinéma, qui est plutôt une petite fable judiciaire comme le dit son sous-titre. Quelle tentation que ce dernier roman !
J'aimeAimé par 1 personne
31 mars 2017 at 13:22
Woow ! Noté, souligné, etc. Ton enthousiasme est contagieux. 🙂
J'aimeAimé par 1 personne
2 avril 2017 at 15:56
C’est marrant, j’ai failli emprunter un de ses romans hier à la bibliothèque, car je voulais une auteur allemande, et pourtant, je ne la connais pas du tout. Noté, donc.
J'aimeJ'aime
2 avril 2017 at 16:44
Elle est française ! 🙂
J'aimeJ'aime
17 décembre 2017 at 22:41
J’ai adoré ce livre !
J'aimeAimé par 1 personne
14 janvier 2018 at 09:49
Je l’ai dévoré pendant les fêtes (je l’ai fait offrir à Noël et emprunté dans la foulée, hé hé hé) et j’ai été conquise ! Le peu que j’ai entendu d’HC en interview m’a convaincue qu’en effet, comme tu l’as écrit plus haut, c’est un sacré personnage !
J'aimeAimé par 1 personne