« Lorsqu’il avait quitté la maison, il s’était dit qu’une opportunité lui était offerte, une seconde chance. Il s’était dit que la femme qu’il laissait derrière lui après vingt-cinq ans de mariage était trop vieille, trop dépendante, trop émotive, et qu’il lui fallait quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus jeune qui lui ressemble davantage. En se lançant à la recherche de cette personne, il avait trouvé Lorna, qui était aux antipodes de Cadence, mais il se demande à présent, à la vue de son ex-femme, si c’était vraiment ce qu’il voulait, au fond. Existait-il une personne idéale, et si oui, se pouvait-il que Cadence soit cette personne depuis le début ? Sans doute était-elle loin d’être parfaite, et sans doute ne formaient-ils pas non plus un couple parfait, mais ils représentaient tout de même quelque chose, non ? Fondamentalement, ils étaient compatibles, et tout aussi fondamentalement, il avait besoin d’elle, n’arrivait pas à vivre sans elle, et elle avait sûrement le même sentiment.«
—
« Pourquoi elle a choisi de lui pardonner, d’oublier ses errements, de fermer les yeux sur sa désinvolture, elle ne saurait le dire. Ce serait comme tenter d’expliquer vint-cinq ans de mariage à quelqu’un que l’on ne connaît pas. Ces habitudes étaient profondément ancrées en elle. Elles faisaient partie d’elle, au même titre que le reste. Et Elson faisait lui aussi partie d’elle. Elle aurait aimé prétendre le contraire, mais impossible. Ils étaient indissociablement liés, elle et lui, tels les tissus d’un même organisme. Aucune séparation, aucune trahison, pas même un divorce, n’y pourrait rien changer.«
Entre les jours – Andrew Porter
L’Olivier, 2014, 391 pages
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon (In Between Days 2012)
Ce n’est pas l’histoire d’un mariage, ce roman, bien que les deux parents, Cadence et Elson (drôles de prénom !) examinent le leur à la loupe (comme l’indiquent les extraits ci-dessus, pas franchement délirants d’enthousiasme…), mais c’est bien l’histoire d’une famille et de ces minuscules comportements que l’on remarque à peine, qui sont noyés dans l’activité du quotidien mais qui, si on s’y arrêtait un peu, révèlent un caractère. Ainsi l’aîné, Richard, doute-t-il de ses qualités de poète (et de l’intérêt réel qu’il leur porte) ou du poids de l’amour qu’il a toujours témoigné à sa petite soeur (« Qu’avait-il donné à Chloé, sinon l’impression fausse que tout lui était dû, qu’elle serait toujours en sécurité, et la croyance naïve que ses actes pouvaient être sans conséquence ?« ) Chloé, elle, doute de sa capacité à créer des relations sociales harmonieuses (elle a vécu une première année d’université affreuse et en est restée traumatisée), et leurs parents doutent d’eux et de l’autre, des autres en fait. Bref, une famille banale ! Avec des apparences bien normales, souriantes, enjouées, posées, des ami(e)s, des activités, un peu de culture, un peu d’aisance financière, et dessous, des doutes, que l’on ne s’autorise surtout pas à exprimer, y compris à soi-même. Alors on avance, un jour après l’autre, des choses arrivent, on y réagit, ou pas, et entre les jours se tient tout le reste, tout l’important, pourrait-on dire. Construit comme un polar avec un excellent sens du suspens (une disparition), ce roman ne cesse de surprendre son lecteur en ne l’emmenant jamais vers la facilité et en variant les ambiances. Ca coule tout seul, c’est beaucoup moins sombre que je ne le craignais, et j’ai beaucoup aimé ! Comme Cathulu (merci !) ou Clara.
21 août 2014 at 16:03
Tant mieux! l’écriture semble très simple mais ça fore mine de rien : )
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21 août 2014 at 16:04
C’est très finement observé, et mis en mots très simples en effet 🙂
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21 août 2014 at 16:24
ça semble quand même sombre… mais la couverture est si jolie ! Si je le trouve par hasard, je repenserai à ta chronique et peut-être qu’alors… ^^
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21 août 2014 at 16:26
Ce n’est pas d’une gaieté folle non plus, mais pas si sombre, non 🙂
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21 août 2014 at 16:30
Noté sur ma liste d’envies ;))
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21 août 2014 at 18:13
J’ai lu attentivement les citations que tu extrais, et je les trouve d’une grande justesse. Je retiens vraiment ce titre.
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21 août 2014 at 18:34
Ca attendra la bibli ou la sortie poche mais c’est le genre de roman qui m’attire !
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22 août 2014 at 07:53
Je l’ai commencé en anglais et j’avoue que je peine un peu, j’ai l’impression qu’il ne se passe pas grand chose… mais pas envie de l’abandonner, en même temps !
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22 août 2014 at 07:55
Persévère, on « s’installe » vraiment entre ces 4 personnages là, et il va se passer des choses, si 🙂
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22 août 2014 at 09:06
J’ai tout aimé dans ce livre ! Comment il observe cette famille, leurs relations et l’écriture qui semble simple est absolument maîtrisée !
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22 août 2014 at 13:05
Moi aussi, j’ai beaucoup aimé ce livre et j’attends avec impatience de nouveaux romans de cet auteur !
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23 août 2014 at 16:27
et oui ! fort bon !
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24 août 2014 at 07:16
Des familles banales, j’en connais pas mal, mais des normales, ça existe? Je note ce titre!
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24 août 2014 at 11:26
Tu as raison, Mango, la normalité n’existe pas 🙂
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28 août 2014 at 16:17
J’ai beaucoup aimé aussi ! Les personnages sont riches et leurs relations finement analysées !
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