« Une famille délicieuse » – Willa Marsh
Editions Autrement, 2014, 477 pages
Traduit de l’anglais par Eric McComber (The Children’s Hour 2003)
Je me demande pourquoi l’éditeur éprouve le besoin de préciser dans toutes ses présentations de la délicieuse Willa Marsh (alias Marcia Willett) (et vice versa) qu’elle avait commencé à écrire après cinquante ans : faut-il s’exclamer ? Ouah, regardez-ça, elle était déjà limite sénile ? Il ne fait pas bon vieillir, c’est terrifiant. BREF. J’avais déjà beaucoup apprécié « Le journal secret d’Amy Wingate« *, j’ai retrouvé dans ce petit pavé ce qui m’y avait tant plu (au contraire de « Meurtre au manoir« **, qui, lui… non.). C’est l’histoire d’une grande famille, deux des soeurs vivent ensemble dans ce qui a été la résidence secondaire, une demeure très anglaise quelque part sur la côte, isolée, pas trop grande, pleine de souvenirs. Mina est un peu la chef de famille maintenant, vu de l’extérieur on pourrait penser qu’elle s’est sacrifiée toute sa vie mais elle est heureuse, elle a ses livres et ce qu’ils lui apportent l’a toujours rendue ouverte sur le monde, sur les autres. Pour les deux mois à venir, elle va devoir accueillir l’aînée de la fratrie, qui verse lentement dans la démence sénile. Elle le fait volontiers, bien sûr, et les neveux et nièces pas loin vont aider, mais cette famille a, comme les autres, ses secrets et le bavardage inconséquent de qui n’a plus toute sa tête peut provoquer bien des dégâts… Un roman vraiment très attachant qui allie la plus pure tradition britannique à une réelle modernité, c’est super sympa de voir Mina en grande relation épistolaire sur le net (je me suis fait avoir comme une bleue par la révélation finale, rien vu venir !) et en même temps c’est adorable la façon très désuète de voir la vie de Lydie (la nièce, une jeunette), même si ça ne paraît pas très plausible. Il y a des chiens partout, on se promène sur les Landes, on fait des aller et retours du passé à nos jours, avec toujours une petite tasse de thé et on voudrait ne jamais en sortir, rester pour toujours au coin de la cheminée. Une atmosphère enveloppante très réussie. Validé également par Cathulu.
* Le journal secret d’Amy Wingate – Willa Marsh Ed. Autrement, 2010, 206 p. (Amy Wingate’s Journal, 1996) – Traduit de l’anglais par Eric McComber
« Je me demande pourquoi les femmes croient toujours que je serai nécessairement mieux disposée envers elles parce que leurs maris ont le simple bon sens de remarquer mes qualités exceptionnelles.«
Amy a la cinquantaine, elle vit seule dans une petite maison héritée face à la mer. C’est une vieille fille anglaise très typique, elle a choisi la pré-retraite – contre l’avis de tout son entourage – parce qu’il lui semblait qu’elle ne pouvait plus enseigner. Depuis quelques temps, elle est sujette à des colères de plus en plus irrépressibles, qui l’effraient. Elle craint de sortir réellement de ses gonds à mauvais escient, et consulte. Le docteur lui conseille alors de rédiger un journal intime, qui devrait lui permettre de comprendre son irritabilité croissante.
La vie d’Amy est très réglée, elle ne roule pas sur l’or, elle n’est pas très entourée non plus. Il y a Margery, une ancienne collègue de dix ans son aînée chez qui elle va passer Noël, et qui vient en retour pour l’été. Sur place, il y a Francesca et Simon, qui persistent à l’inviter chaque dimanche pour étaler leur bonheur de trentenaires chics. Et très vite il y aura Gary, qu’elle rencontre de façon tout à fait saisissante…
La plume qui rédige ce journal intime est délicieuse.
Le ton est parfait, pur produit britannique d’excellente tenue, un zeste d’excentricité, une bonne histoire (pas super morale non plus, but who cares), un épluchage psychologique minutieux, un humour discret mais présent. J’ai été très sensible à la véracité profonde du journal, ça sonne plus que juste. Je pense enfin que la traduction est particulièrement réussie, peut-être même apporte-t-elle un plus, tant les mots choisis sont adéquats et sonnent à l’oreille.
Une réussite qui m’a emballée.
« En vieillissant, je deviens plus apte à détecter les indices et à repérer les détails, mais j’étais jadis une jeune femme affligée d’une atroce sottise. En songeant à ma vie, je me demande souvent comment j’ai pu faire pour être aussi imbécilement aveugle, si balourde, si naïve.«
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** Comment peut-on avoir écrit à la fois le très très bon « Journal secret d’Amy Wingate » et ce « Meurtres au manoir » qui m’est tombé des mains ? C’est un mystère mystérieux, à moins que je n’aie été de fort méchante humeur au moment de la lecture. Mais impossible d’entrer dans cette histoire loufoque aux traits grossis jusqu’au ridicule. Pourtant c’est très anglais, le manoir, les deux vieilles dames, l’ingénue pleine de bonne volonté… Mais rien à faire.
10 avril 2014 at 11:34
Comme toi je n’avais pas deviné la révélation finale ! 🙂
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10 avril 2014 at 13:49
Oh the nice cup of tea !! Je suis très en retard dans Willa Marsh, je n’ai lu que Meurtres entre soeurs, qui m’avait réjouie comme un délicieux bonbon acidulé anglais ! Amy Wingate, il faut que je la rencontre !! (c’est aussi excellent que Mary Wesley, que j’adore !!) (oups j’abuse du point d’exclamation…)
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10 avril 2014 at 13:49
Je valide aussi cette famille délicieuse :)!
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10 avril 2014 at 15:18
Je suis comme Anne, j’ai un grand retard (mais je sens que c’est en poche, non, depuis le temps?)(sauf ce dernier, qui y sera)
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10 avril 2014 at 16:42
J’ai tout lu de cette auteur et ce dernier opus est prévu dans ma longue liste …
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10 avril 2014 at 17:57
Cette auteure n’est pas pour moi depuis que j’ai fini en diagonale et en soupirant « Meurtres entre soeurs » et tant mieux, vu tout ce que j’ai déjà envie de lire !
PS Je ne trouve pas non plus qu’il y ait de quoi s’exclamer parce que l’auteur a commencé à écrire après cinquante ans !
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10 avril 2014 at 18:49
Ravie de lire ton avis positif. Je l’ai vu en librairie et était étonnée de l’épaisseur; ses autres romans sont beaucoup plus modestes. Tout à fait d’accord avec toi concernant « Le journal… » et « Meurtres au manoir ». Par contre, « Meutres entre soeurs » est très bien aussi.
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10 avril 2014 at 18:51
Je ne sais plus si je l’ai lu ou pas, ce « Meurtres entre soeurs », je n’ai rien noté 🙂 Mais oui, moi aussi l’épaisseur m’a surprise au début et ensuite, j’étais tellement bien entre ces pages que j’ai franchement regretté que ça s’arrête. J’en aurais volontiers repris encore autant !
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10 avril 2014 at 22:18
Ah, zut ! Je viens de réaliser que c’est l’auteur de « Meurtres entre sœurs », qui ne m’avait pas emballée (alors qu’il avait fait les délices de la blogosphère, enfin je viens de voir que Kathel aussi avait eu du mal, ça me rassure). Dommage que tu n’aies pas lu cet opus-ci, pour pouvoir juger de l’écart éventuel avec ceux que tu as aimés (hum… je me demande si je suis très claire, là !).
Mais je sais déjà que tu vas me dire (tu l’as déjà fait pour je ne sais plus quel auteur 😉 ) qu’il faut laisser à nouveau sa chance à un auteur qui ne nous a pas convaincue et j’avoue que, sur ce coup-là, je serais tentée de le faire.
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11 avril 2014 at 06:28
Oui tu es claire (en tout cas, je comprends ce que tu veux dire ;)), et je suis pliée, tu « m’entends » te répondre, faut-il que je radote en permanence pour que tu sois en mesure de tenir une conversation imaginaire avec moi (j’adore ^^) 🙂
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11 avril 2014 at 11:05
Mais non, tu ne radotes pas : tu as des (bons) principes de lectrice aguerrie 🙂 !
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11 avril 2014 at 16:31
j avais aimé le premier avec quelques réserves , je me souviens que le personnage principal avait commis un meurtre , moi perso j’aurais du mal à m’en remettre mais visiblement en Angleterre ça se fait!
le second pourquoi pas, je suis sûre de le trouver à ma médiathèque. Ma bibliothécaire adore cette auteure
luocine
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12 avril 2014 at 18:58
Une tasse de thé déjà notée chez Cathulu… y’a plus ka.
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13 avril 2014 at 09:57
Les auteurs de 50 ans, c’est comme les auteurs de 20 ans.
Si tu commences à écrire à 20 ans, on met en avant ta fougue, ton élan contre l’académisme, le vent de fraîcheur que tu souffles sur la littérature, ta précocité, ton originalité, ce genre de clichés. Si tu commences à 50 ans, c’est également un argument de vente de ce type: tu as vécu, tu es posé, tu peux partager ton expérience. Tu ne tenteras plus de bouleverser le monde mais de l’éclairer, de mieux l’appréhender.
Ce sont des positions fausses et stupides qui ne font que complexer et les lecteurs et les auteurs. Je me souviens qu’à la base, je voulais être une de ces auteurs de 20 ans bêtement parce qu’on m’accepterait peut-être plus facilement dans une maison d’édition grâce à l’argument de vente constitué par mon âge. Puis j’ai lu des romans d’auteurs de 20 ans. Certains sont très bons. Mais beaucoup m’ont semblé précipités, bâclés et pour finir, plus qu’oubliables, pour ne pas dire parfois carrément navrants alors qu’on semblait nous vendre des merveilles. Je me suis même demandé si certains d’entre eux n’avaient pas juste été acceptés à cause de ou grâce à l’âge de leur auteur, histoire d’avoir le nouveau phénomène de foire à faire passer sur les émissions télé.
Mettre en avant un âge de début de carrière pour décrire un auteur est ridicule, chacun a un niveau d’écriture et/ou de maturité différent. Dès lors, je me méfie des éditeurs qui se servent de ce type d’argument…
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13 avril 2014 at 10:35
Pas faux 🙂
Mais en ce qui concerne les éditions Autrement, je penche plus pour de la maladresse que du marketing. Enfin disons qu’ils ont du crédit dans mon esprit 🙂
Dans l’absolu, évidemment seul compte le texte. Seulement, on ne vit jamais « dans l’absolu », donc bon, chacun(e) a ses propres incohérences/paradoxes, et parfois un truc m’agace et puis ça passe (heureusement ^^).
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13 avril 2014 at 20:21
Tu as réussi à me tenter avec ton délicieux billet, hop je le mets avec vos autres billets tentateurs :0)
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14 avril 2014 at 22:49
Quand j’ai vu le titre de ton billet il y a 3 jours, j’ai fait un bond sur ma chaise ! Un nouveau Willa Marsh et je n’en savais rien, MERCI ! Il est évidemment commandé (même si je n’ai toujours pas lu « Le prix de l’innocence », je ne suis pas à une contradiction près ^^)
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15 avril 2014 at 06:32
Pas encore lu non plus, mais je me réjouis de le faire un jour moi aussi 🙂
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26 avril 2014 at 19:57
Une jolie couverture et un billet élogieux : c’est suffisant pour donner envie de découvrir cette famille.
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