« Tu n’es aimé que lorsque tu peux te montrer faible sans provoquer une réaction de force. » Theodor W. Adorno
« La légèreté » – Emmanuelle Richard
L’Olivier, 2014, 274 pages
« En saisissant le mot « prolo », une vibration aiguë tranche quelque chose. La fille à claques acquiesce en elle-même. Un « C’est ce que nous sommes » rebondit dans le vide laissé à l’intérieur de son thorax, ouvert et à vif. « Voilà ce que je pense », voilà ce qu’elle se dit : « Voilà exactement ce que je pense », et ça résonne aussi dans sa tête, dans ses nerfs, ses viscères, comme après un uppercut au plexus. Elle ne pense pas, C’est ce que nous sommes, ici, elle pense, C’est ce que nous sommes, tout court. Elle ne pondère pas. Elle en veut presque aux jeunes filles mais elle leur donne raison. Elle leur en veut à peine, si peu; elle aimerait simplement être à leur place.«
C’est un premier roman écrit par une très jeune femme (28 ans), mais à l’instar de son héroïne elle a tout d’une vieille âme. Si vous n’avez pas tout à fait réglé les problématiques dans lesquelles vous vous débattiez à l’adolescence (et en fait, qui peut se vanter de l’avoir fait ? Qui a vécu ce trouble infini n’est-il pas jusqu’à sa mort en équilibre au bord de son abîme ?), je vous préviens, ces 274 pages vont vous y replonger quelque chose de coton. Notre jeune fille aura 15 ans bientôt, c’est l’été, les vacances à l’île de Ré avec papa, maman et le petit frère, et elle crève de solitude. Une solitude inquiète et poisseuse, où jamais elle n’est en rythme, où quoi qu’il se passe (et même le rien) elle n’a pas la bonne réaction/attitude parce qu’elle ignore tout des codes, des conventions, de ce qu’elle croit qu’il faudrait faire, et qu’elle essaie, pourtant, elle tente, elle improvise, avec toute la gaucherie abrupte et incongrue des grands grands timides qui se lancent, parce que sinon ils vont en crever, parce qu’il faut, il faut, IL FAUT que quelque chose se passe, que quelque chose change. Elle se sent laide, pas seulement moche, non, mais monstrueuse, une offense pour les yeux, et ce n’est pas une pose ni un appel à la réassurance, c’est ressenti au plus profond. Elle a une conscience aiguë de son milieu social, elle en a honte, et elle a honte d’en avoir honte. Elle a des parents qui la heurtent terriblement, aimants pourtant, pas de problèmes, mais elle se sent jugée en permanence (le rêve où elle parle à son père est terrible !) et enfin – mais ce n’est pas le fond du truc – elle est en plein chamboulement hormonal et elle se croit obsédée par le sexe, d’une manière floue et tellement enfantine. Avec une langue calme et inventive à la fois, Emmanuelle Richard nous raconte cette jeune fille en lui laissant ponctuellement la parole et on referme ce premier roman emplis d’une tristesse infinie, tailladés en notre âme. Ouch !
7 mars 2014 at 05:07
Je l’ai commandé hier !!!!! Yessss!!!!
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7 mars 2014 at 07:57
Totalement et irrémédiablement séduite par ton billet magique !
(avec la maison d’édition en cerise sur le gâteau)
Puis avec le beau temps qui pointe le bout de ses rayons, c’est le moment de lire des romans qui griffent (= le soleil amoindrit l’impact. Ou du moins, j’essaie de m’en convaincre !)
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7 mars 2014 at 08:22
C’est gentil, merci Erzie 🙂
Regarde, la bibli PLEINE de l’Olivier (sûrement tourné chez eux bien sûr :)), ça fait envie, hein ?
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9 mars 2014 at 18:24
Oui ça fait envie mais en même temps, si tu observes bien, tu as à chaque fois 3-4-5 exemplaires du même livre, pourquoi on souhaiterait une chose pareille, hein ? ;o)
Et c’est terrible car j’ai regardé « La grande librairie » et s’il y en a une qui ne m’a pas donné envie en parlant de son livre, c’est bien elle…
C’est moins pire dans la vidéo que tu proposes mais c’est bel et bien ton billet seul qui m’attire et m’intrigue :o)
(ce qui se traduit élégamment par : vivent les bibliothèques !!)
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10 mars 2014 at 06:39
Ton premier paragraphe : 🙂 🙂 🙂 🙂 🙂
Le second : Alors, je vais te dire, c’est presque un axiome, ce que tu dis; on pourrait en tirer quelque chose comme « Tout auteur ne sachant pas se vendre ni parler correctement de son livre a écrit un texte pénétrant et sensible de grande qualité » (mais on le dirait mieux, évidemment ^^) et l’inverse se révèle souvent également vrai, je dis ça, je dis rien. (l’infecte, t’sais).
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10 mars 2014 at 11:38
Je m’insurge ! 😉 Pour rester sur cette émission-là, je trouve que Nina Bouraoui parle très bien de ses romans, et personnellement, je les adore. Alors, chut chut ! ;o)
En fait, M. Busnel a insisté sur un point particulier (le poids de la virginité pour l’héroïne) et je crois que c’est ça qui m’a un peu gonflée, ton billet parle de mille autres choses, et sa présentation était trop ciblée, trop lacunaire. Après, l’auteure fait comme elle peut (surtout quand elle passe en dernier, et que donc, elle ne peut pas déborder et doit faire avec le temps restant).
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10 mars 2014 at 11:42
Je ne sais pas pourquoi il – et la 4° de couv – met ça en avant, c’est sous-tendu oui mais c’est secondaire, ce qui se joue chez l’héroïne et ce dont le roman nous parle tout du long n’est pas sa quête sexuelle, vraiment pas 🙂 (même si elle fait partie de ses interrogations).
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7 mars 2014 at 09:14
Je viens de la voir sur France 2, elle est toute jeune et pleine de fraîcheur !
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7 mars 2014 at 13:34
Oui 🙂
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7 mars 2014 at 10:43
Elle était à la grande librairie hier non ?
Tu es vraiment triste en sortant du livre. alors non….
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7 mars 2014 at 13:35
Oui, et oui moi ce roman m’a rendue très triste.
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7 mars 2014 at 11:03
Ouïe aïe aïe … pas pour moi en ce moment, qui se prend de plein fouet un curieux retour aux problèmes de ma prime jeunesse.
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7 mars 2014 at 13:35
Oh… J’espère que ça va quand même, Aifelle 🙂
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7 mars 2014 at 11:16
Je l’ai découverte hier soir à La grande librairie. L’adolescence est un thème qui me fascine et me touche. Même si ce roman semble dur, je le note pour plus tard.
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7 mars 2014 at 13:36
Il est surtout très juste, fait assez rare pour être noté 🙂
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7 mars 2014 at 20:01
Ton merveilleux billet, le thème… je note fébrilement. Tant pis pour le retour à l’adolescence.
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8 mars 2014 at 05:29
Merci Antigone 🙂 Je pense qu’en effet ça devrait beaucoup te plaire !
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10 mars 2014 at 16:17
Je réserve cette lecture pour un moment nostalgique, mélancolique et triste alors. Très jolie note, j’aime beaucoup la citation en titre !
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11 mars 2014 at 06:09
Merci Céline 🙂 C’est plus tranchant que de la nostalgie ou de la mélancolie, prépare-toi 😉
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17 mars 2014 at 14:31
Pas envie de prendre des coups au coeur, alors je vais passer sur ce coup-là. Suis restée sans ordi pendant 10 ou 12 jours et tu as publié plein de billets, c’est terrible ! Je peine à rattraper mon retard tout en attendant ton point de mercredi sur le prix Orange avec impatience… Tu feras un rappel de ceux que tu as particulièrement aimés, dis ?
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17 mars 2014 at 14:33
Oui 🙂 (Je suis en plein stress, c’est terrible, vivement que jeudi soit passé ^^)
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21 août 2016 at 23:00
Je viens de le finir, vraiment très beau … Et quelle justesse… Cette jeune fille m’a rappelée quelqu’un ( moi…) adolescente, période que je ne revivrais pour rien au monde:-/un roman cruel, n’est-ce-pas?
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22 août 2016 at 06:17
Très cruel, oui. Son deuxième roman m’est tombé des mains, j’étais hyper déçue, après une telle acuité dans le premier.
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